30 Juin 2014
juin 30, 2014

Eloge du carburateur

En cette fin d’année scolaire, nombreux sont les parents
et les jeunes qui se posent des questions par rapport aux études à entreprendre…IndivDans ce contexte, je souhaite vous partager certains éléments qui m’ont interpellé dans la lecture du livre :
Eloge du carburateur Matthew B. CRAWFORD – Editions La Découverte – Trad Française 51NqfDhyITL._SY445_Paris 2010

L’auteur Docteur en philosophie travaillait dans un think-tank à Washington, il y était très bien payé et jouissait d’un prestige certain. Assez rapidement, il déprime, s’ennuie et perd le contact avec la Vie. Il démissionne, fait quelques jobs qui ne le sortent pas de cet ennui et décide finalement d’ouvrir un atelier de réparation de motos, une de ses passions.

Il se rend compte alors, et c’est ce qu’il nous partage dans son livre que :

Ce qu’on attend des managers actuels, c’est qu’ils mettent en place la flexibilité chez les travailleurs,
Ceci implique le découpage des tâches et une grande normalisation,
Ce qui a pour conséquence, notamment,  que seuls quelques privilégiés ont une vision complète du processus,
Tout ce qui ressemble ou se rapproche de l’artisanat doit être supprimé,
Le sommet du sommet, est le  « savoir », le travail manuel serait appelé à disparaître,
Le chef est celui qui est nommé, pas nécessairement le plus compétent, qu’a-t-il prouvé ? ,
Qu’est ce qui est réellement produit ? ,
Dans ce travail intellectuel, quel contact avons-nous les uns avec les autres, avec la matière ?
Comment être satisfait de ce qu’on a accompli ? Comment est-ce que je « sais », « je fais l’expérience » de réussir ?

Et d’ajouter quelques réflexions :
Cette évolution pousse à l’individualisme, à la compétition, à la surconsommation,
La plus grande partie des « travaux » intellectuels peuvent être exportés et être accompli dans n’importe quel coin du monde,
Par contre, le travail manuel, artisanal, de service de proximité, lui ne peut l’être,
Ne serait-il pas stratégique de mieux payer le travail non exportable pour développer celui ci et garantir le futur,
(la comptabilité, la traduction, la lecture de radiographie, le dessin d’une maison… peuvent être faits n’importe où dans le monde par du personnel bien formé… réparer votre plancher, votre chauffage, votre toit, vous soigner, vous masser, vous préparer le repas… ne peut être fait qu’à proximité de chez vous)
Lorsque j’exerce un travail manuel, je constate de visu et expérimente que ça marche ou pas (la lumière s’allume…),je n’ai besoin de personne pour évaluer ma compétence,
Celui qui me forme, le maître, connait le travail, il est plus compétent que moi et c’est pour cela qu’il me dirige,
 Pour apprendre et résoudre un problème je dois m’adresser à d’autres personnes qui font le même travail, il y a échanges,
une communauté se forme, je ne suis pas isolé, mais relié à cette communauté,
Dans cette communauté, on se connait,
Je vois et constate directement -et les autre aussi- ce que j’apporte à la société, ma valeur ajoutée, c’est pour cela que je suis apprécié et reconnu… pas pour un titre, pas pour un statut.

Par exemple,
il y a quelques années, le directeur d’une agence de banque, connaissait son métier, ses clients, le quartier, le village.
Il connaissait aussi quasiment tous les aspects du métier de banquier.
Lorsqu’un client demandait un prêt hypothécaire, ce directeur, disposait d’informations concrètes objectives… et en plus de cela, connaissait la réputation du client… parfois donc malgré des infos objectives positives il disait non et inversement.
Aujourd’hui on se basera sur un scoring, complètement impersonnel -que des chiffres- fait à partir d’un dossier gérer à distance (pourquoi pas de Chine ou du Brésil ou par un ordi par exemple) par un illustre inconnu à qui on aura expliqué les limites mathématiques .
Les critères d’acceptation variant en fonction des besoins immédiats de la banque.

Livre interpellant donc, qui a suscité ma réflexion et m’a interpelé à divers égards.
Dans son livre, Matthew B. CRAWFORD, cite de très nombreux exemples, écrit avec beaucoup d’humour, est très vivant… .
Je trouve cependant que son livre n’est pas « facile » à lire, je le regrette un peu.

Dans le même ordre de réflexion, je trouve personnellement assez dommage
que les études d’instituteur (Un métier qui ne peut être exporté..)
soient passées en master 5 ans…

Une des motivations est la possibilité ainsi de revaloriser le métier et de mieux le payer …. ????
S’il est évident que les instituteurs doivent être mieux rémunérés et mieux considérés, le chemin choisi ne me paraît pas le meilleur pour les enfants.
Il me semble qu’un instituteur, manuel, créatif, qui a aussi appris à chanter, danser, dessiner, bricoler, jouer, écouter, animer sera plus à même de former nos petites têtes blondes, que quelqu’un qui a acquis beaucoup, beaucoup de savoir.

Tout ceci, bien sûr, n’est que mon avis personnel et n’a d’autres valeurs …